La question de la coordination des équipes dans un établissement renvoie à la problématique plus générale de la communication. Les réunions institutionnelles hebdomadaires évoquées peuvent laisser penser qu’une certaine confusion existe entre des réalités qu’il conviendrait au contraire de distinguer : la communication, la diffusion de l’information et les espaces de délibérations, d’élaboration et de décisions que sont les réunions. A la lumière de notre expérience de consultant formateur dans le secteur médico social, il apparaît qu’il n’y a pas de système de communication idéal, applicable universellement. Les singularités des contextes suscitent des systèmes de communication eux aussi singuliers, ajustés à leur particularités et à leurs enjeux, et il faut se garder de plaquer un système de communication prêt à l’emploi sur ces réalités complexes. Les établissements et services avec lesquels nous avons travaillé pourraient dire, avec Paul Valery : « Je suis comme tout le monde, je ne ressemble à personne ! ».
Nous souhaitons plutôt ici partager certains principes tirés de notre expérience, adossés à une approche interactionniste de la communication et à notre approche psychosociologique des organisations. Ces principes peuvent aider à rendre la communication de l’établissement plus efficace et permettre d’atteindre les objectifs attendus. La responsabilité de la direction est ici directement convoquée, en tant qu’elle assume les rôles suivants, directement en lien avec la problématique de la communication1
1H.Mintzberg, « L management, Voyage au centre des organisations ». Éditions d’organisation. 2004
Les principes suivants souhaitent aider les directions d’établissement à mieux investir ces rôles.
1. Exposer dans le projet d’établissement une représentation hiérarchisée du système des réunions, précisant leur rythme et leur durée, les objets travaillés, les participants et leur implication concrète, ainsi que les résultats attendus. Cela doit permettre de favoriser et maintenir l’investissement de ces instances : rien de plus délétère que des réunions auxquelles les professionnels participent sans pouvoir saisir clairement ce à quoi ils ont contribué, ce que la réunion a permis de faire avancer. Chaque réunion doit faire a minima l’objet d’un relevé de décisions formalisé (plus efficace qu’un compte rendu exhaustif qui risque de noyer l’information) et diffusé pour permettre la traçabilité du travail réalisé (intégrer systématiquement aux documents les repères fondamentaux que sont un titre, un auteur, une date, une version du document).
2. Expliciter dans le projet d’établissement les différents registres de l’activité concernés par les réunions :
Attention
L’enjeu de la communication est directement en lien avec le principe de cohérence et continuité des activités et le droit des usagers à la personnalisation de l’accompagnement, qui impose notamment que le directeur « veille à
l'évaluation régulière de la qualité des projets personnalisés d'accompagnement des enfants et des adolescents et préside les réunions de synthèse ; » et « veille au respect d'une approche interdisciplinaire du travail en équipe et est, à ce titre, garant de la cohésion de l'équipe interdisciplinaire et de ses différentes composantes mentionnées aux articles D. 312-59-9 à D. 312-59-12. (Article D312-59-7 du CASF).
Par ailleurs, « un référent du projet est désigné au sein de l'équipe éducative, dont la fonction est d'assurer la cohérence et la continuité de l'accompagnement » (Article D312-59-10 du CASF). Enfin, la RBPP-ANESM « Attentes de la personne » p.30 précise que « le projet personnalisé est évalué au moins une fois/an ou plus (au rythme des objectifs du projet personnalisé). »
3. Distinguer dans le projet d’établissement le descriptif des réunions des enjeux plus globalement en lien avec la communication mais aussi la question de l’information. La communication se fait certes par les rencontres et les réunions, mais d’autres moyens y concourent (le téléphone, les éventuels casiers ou bannettes, les cahiers de transmissions ou de liaison, le courrier, les boîtes mails, le site internet, la plaquette de présentation, le livret d’accueil et bien sûr le projet d’établissement, qui doit définir le cadre commun d’action permettant la coordination des différents professionnels.
4. Repérer les informations dont la diffusion peut se faire en dehors des réunions.La question de l’information peut mériter un paragraphe où seront précisés les différents canaux par lesquels l’information est véhiculée. Ainsi, les réunions, si différenciées qu’elles soient, ne sont pas le seul canal par lequel l’information circule, ce qui doit permettre de singulièrement les alléger pour leur permettre d’être avant tout des lieux de débats, d’élaboration et de décisions. Le recours à des outils de partage de l’information aujourd’hui très répandus dans l’espace social n’est pas encore systématique : ainsi les sites web des associations ou des établissements ne sont pas suffisamment investis pour aider à la circulation des informations. La mise en place d’un journal interne peut aider à garantir une information actualisée et partagée avec tous, notamment au sujet des arrivées et départs de professionnels et d’usagers, des mouvements institutionnels dans l’environnement direct de l’établissement, des publications, colloques ou formations dont la direction et les professionnels pensent qu’il est pertinent de les mettre en commun, de partager des approches théoriques ou pratiques innovantes.
5. Enfin, beaucoup de documents institutionnels n’intègrent que très peu de graphiques, de schémas, de frises chronologiques, de logigrammes qui sont pourtant de bons supports pour expliciter un processus d’élaboration de projet personnalisé ou le parcours institutionnel de l’usager depuis son orientation jusqu’à sa sortie de l’établissement. Les longs paragraphes seront réservés au développement d’une argumentation.
Pour conclure, nous renvoyons au constat établi par le philosophe Hartmut Rosa selon lequel la modernité nous confronte, dans notre expérience quotidienne de travail, au sentiment que nous souffrons d'une pénurie de temps, et ce, alors même que le temps libéré par les innovations techniques, augmente.
Cette « pathologie » de la modernité serait au contraire renforcée par les effets de l'innovation technique sur les institutions. Le rôle de ces dernières est dès lors d'intégrer l'accélération de sorte à la rendre supportable par les individus. En règle générale les institutions compensent les effets de l'accélération en assurant aux individus un minimum de sécurité. Une communication efficace au sein des institutions doit être comprise comme une sécurisation des professionnels et de leur professionnalisme dans la conduite de leurs actions.
Pou aller plus loin